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La prière d'alliance

Par LESEGRETAIN Claire, le 10/5/2014 à 12h00

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« Merci. Pardon. S'il te plaît. »

 

     Selon le pape, ces trois mots, échangés chaque fin de journée par les époux, sont « les conditions pour qu'un mariage aille de l'avant ». Ils forment la « prière d'alliance »

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     Depuis toujours, la tradition chrétienne a souligné l'importance d'un « examen de conscience » quotidien: « Il n'est pas de maître spirituel qui ne l'ait considéré comme indispensable au progrès de la vie chrétienne, à la purification du cœur et à la conduite du Saint-Esprit », écrit le jésuite Claude Flipo (1). À ceux qui voulaient vivre les Exercices spirituels, saint Ignace (1491-1556) recommandait de procéder quotidiennement à un « Examen général » en cinq points: « Le premier point est de rendre grâce à Dieu, notre Seigneur, des bienfaits que nous avons reçus. Le deuxième, de demander la grâce de connaître nos péchés et de les bannir de notre cœur. Le troisième, de demander à notre âme un compte exact de notre conduite depuis l'heure du lever jusqu'au moment de l'examen. Le quatrième, de demander pardon de nos fautes à Dieu. Le cinquième, de former la résolution de nous corriger avec le secours de sa grâce. Terminer par le Notre Père. »

À partir des années 1960, quelques jésuites et religieuses ignatiennes qui cherchaient à populariser les Exercices ont permis que cet Examen général soit utilisé au quotidien, et pas seulement pendant les Exercices. « Ce fut un véritable renouveau de l'examen de conscience! », s'enthousiasme le P. Thierry Anne, maître des novices jésuites à Lyon. Mais comme l'expression « prière d'examen » pâtit aujourd'hui d'une connotation moralisante, on lui préfère le terme de « prière d'alliance ». Et afin d'adapter les cinq points initiaux à divers publics, ceux-ci sont souvent réduits à quatre (« Oui. Merci. Pardon. S'il te plaît. ») ou à trois (« Merci. Pardon. S'il te plaît. »).

En quoi consiste la prière d'alliance ?

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     La prière d'alliance – donc relationnelle – a pour objet de « discerner la présence du Seigneur dans les événements vécus au cours de la journée et la façon dont il nous conduit par son Esprit », écrit encore le P. Flipo. Il s'agit donc d'une prière silencieuse de 10 à 15 minutes chaque soir, pour relire sa journée et reconnaître la manière dont Dieu y a été présent, selon la promesse faite au prophète Jérémie: « Voici l'Alliance (…); je mettrai ma Loi au fond de leur être et je l'écrirai sur leur cœur (…); vous serez mon peuple et moi je serai votre Dieu » (Jr 30-31). Cette répartition en trois ou quatre étapes offre « une excellente initiation à la reconnaissance des motions intérieures et peut devenir aussi un lieu-ressource idéal pour se préparer au sacrement de réconciliation », estime de son côté le P. Nicolas Rousselot (2). Il rappelle ainsi qu'Ignace conseillait aux jésuites débordés par les tâches apostoliques de se dispenser de toutes leurs obligations religieuses sauf de l'examen.

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Pourquoi commencer par dire « merci » ?

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     Tel saint Paul, qui ne cesse de dire: « Rendez grâces en toutes choses » (1 Th 5, 18), la prière d'alliance invite à dire d'abord sa gratitude à Dieu pour tout ce qui a été reçu. « Ignace avait coutume de dire que le péché le plus abominable aux yeux de Dieu était l'ingratitude, le réflexe invétéré de possessivité et d'orgueil par lequel la créature s'empare du don en repoussant le Donateur », souligne le P. Flipo. « Ce premier mouvement est important pour sortir d'une introspection pointilleuse ou d'une recherche de perfection qui fait que l'on se met, sans s'en rendre compte, à la première place, alors que c'est Dieu qui doit être au centre », analyse le jésuite Daniel Desouches, responsable de la formation des formateurs religieux (FFR) au Centre Sèvres, à Paris. L'ancien maître des novices jésuites Pierre Gouet (décédé à la fin des années 1990) avait d'ailleurs l'habitude de nommer ainsi les trois temps de la prière d'Alliance: « De toi à moi. De moi à toi. Nous deux demain ».

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Que signifie une demande de « pardon » systématique ?

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     Ce deuxième temps de la prière d'alliance ne consiste pas tant à chercher ses péchés mais plutôt à identifier humblement les moments où, dans la journée écoulée, on est « passé à côté d'un appel du Seigneur », selon le P. Desouches, qu'il s'agisse d'un mot blessant, d'une peur ou d'un repliement, d'un manque de générosité ou de confiance, ou de toute autre manière de s'opposer à l'Esprit… Mais reconnaître ses propres limites ne doit empêcher en rien de se savoir aimé inconditionnellement de Dieu et d'accueillir son pardon. Regarder un point précis en se demandant, avec la grâce de l'Esprit Saint, pour quel motif on a réagi ainsi. « Cette demande de pardon s'accompagne généralement d'une demande de grâce pour se réformer, pour redresser le cap », poursuit le P. Desouches.

Et pourquoi terminer par « s'il te plaît » ?

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     Il s'agit d'offrir à Dieu sa journée du lendemain, avec le désir de la vivre au mieux, dans la joie. Pour cela, on peut lui remettre plus particulièrement telle personne que l'on va rencontrer, telle démarche importante que l'on doit faire, tel rendez-vous que l'on redoute ou que l'on attend avec impatience, tel obstacle intérieur qui handicape… « C'est donc s'en remettre à Dieu, à sa présence à nos côtés, à son intervention dans notre vie », explique encore le P. Desouches qui rappelle que la prière se termine « en quittant le Seigneur comme on quitte un ami qui nous a écouté ». On peut alors dire le Notre Père en rassemblant ses prières, dans une communion plus vaste.

Il est possible de noter dans un carnet, juste après la prière, ces « merci », « pardon » ou « s'il te plaît » afin de les relire de temps à autre, pour percevoir les « traces » du passage de Dieu dans sa vie… Et constater, par exemple, que les « s'il te plaît » ne sont pas restés sans réponse, même quand celles-ci ont été surprenantes. Ainsi, la prière d'alliance peut devenir une aide pour discerner et décider dans la durée.

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Comment cette prière peut-elle s'adapter aux enfants ?

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     Dans la pédagogie développée par le scoutisme ou par le Mouvement eucharistique des jeunes (MEJ), on a l'habitude de présenter la prière d'alliance à partir des cinq doigts de la main. Le pouce dit « merci » – comme lorsqu'on lève le pouce pour dire « super! ». L'index dit « pardon » et demande à Dieu de montrer ce que l'on doit corriger dans sa vie. Le majeur vise plus haut et dit « s'il te plaît » pour voir comment Dieu appelle à progresser dans le service des autres, à aimer davantage, à mieux suivre le Christ demain. L'annulaire dit « avec toi », en pensant à ceux à qui l'on est relié, en intercédant pour ses compagnons. L'auriculaire tient parole et dit « OK »: c'est le doigt du cœur-à-cœur fidèle et confiant avec Dieu.

 

 

 

LESEGRETAIN Claire

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