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Quand deux desirs se rencontrent...

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Nous sommes tous, d’une certaine façon, en état de manque, de faim, de soif, de désir latent. Je suis un être de désir, un être insatisfait. Même si je me soigne (comme l’on dit), je ressens toujours un certain manque. La liberté, c’est de le reconnaître, de l’accepter, de l’assumer. Ne pas combler avec n’importe quoi. Le problème de notre société n’est pas la dénutrition mais la surnutrition, de l’obésité des enfants, de la surconsommation...

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Dans son sermon de Bénarès, Bouddha explique que la cause de la souffrance, c’est le désir. La conclusion qu’il en tire est qu’il faut éteindre le désir. Mais tuer le désir, c’est se tuer soi-même. Celui qui n’est plus en manque est un homme mort.

 

Dans la tradition judéo-chrétienne, le désir est valorisé, tout au contraire, et la souffrance n’est pas refusée. « Que l’homme de désir approche, et qu’il boive l’eau de la Vie, gratuitement ! » dit l’apocalypse. L’homme de désir ! Autrement dit, le vivant ! Celui qui a faim, celui qui a soif de Vie ! Et si rien ne peut nous rassasier, c’est peut-être que notre désir n’est pas un désir de quelque chose, mais de quelqu’un.

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Comment Dieu pourrait-il nous rassasier ?

Le Dieu de Jésus-Christ est lui aussi un être de désir. Il sait ce que c’est que la faim, que la soif, que le désir. Dans l’évangile, on dit que Jésus a faim, on le dit au moins deux fois : quand après avoir jeûné 40 jours et 40 nuits, il a eu quelques chatouillements d’estomac... on le dit aussi sous forme de question de la part du ressuscité : « petits enfants, avez-vous quelque chose à manger ? »

Notre Dieu a soif. Jésus l’exprime explicitement deux fois : quand il rencontre la samaritaine, et sur la croix. Notre Dieu est en manque, en manque de nous. Pourquoi ? C’est un Dieu amoureux. C’est un Dieu passionné.

 

La rencontre de deux désirs

Et c’est la rencontre de ce manque qui peut combler notre propre manque.
C’est la rencontre de cet autre désir qui peut combler notre propre désir.
L’histoire s’ouvre quand ces deux désirs se rencontrent, le désir de l’humanité et le désir de Dieu. Quand ces deux désirs s’avouent, ils se disent dans une parole et c’est le début de toute une histoire. Car le désir fait aller de l’avant. Il communique la force de créer, de guérir, de chercher, de communiquer.

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"Demander ce que je veux et désire"

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Dans les Exercices, Ignace propose au retraitant de demander, avant chaque temps de prière, une grâce : « demander ce que je veux et désire ». Dans nos prières guidées, nous allons aussi formuler cette demande : « Je lui demande la grâce dont j’ai besoin pour entrer dans la prière »

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1. Pourquoi demander ?

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Nous hésitons souvent à demander :

  • « Est-ce que Dieu a le temps de s’occuper de moi, perdu parmi des milliards ? »

  • « Dieu ne sait-il pas mieux que moi ce dont j'ai besoin ? Moi, je risque de me tromper sur ce qui est bon pour moi, il vaut mieux m'en remettre à Dieu "

  • « Dieu agit tout le temps pour le bien de chacun, que l'on veille ou que l'on dorme, alors, en quoi cet effort m'est-il utile ?" 

  • Ou encore : « J’ai déjà tellement reçu ... je n’ai pas le droit de demander encore ! »

 

Demander, c’est reconnaître notre pauvreté, notre besoin de Dieu :

« Heureux les pauvres ... le Royaume des cieux est à eux ».

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2. « Demander ... ce que je désire »

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Ignace était plein de désirs. Si on les lui avait demandés, il aurait certainement dit : « Vivre en chevalier, en réaliser les exploits, être aimé de ma « Dame » ... Après sa blessure à Pampelune : « Retrouver la santé, ma prestance d’antan ... »

Ces désirs ne sont pas particulièrement évangéliques, et pourtant c’est à partir de ces désirs-là que Dieu le rejoint : après sa blessure, sa belle-sœur, Magdalena, lui donne à lire une vie du Christ et une autre des Saints, et Ignace y entre de plain-pied, avec tous ses désirs profanes. Et là, il découvre qu’au-delà de ses rêves les plus fous, il y a quelque chose de plus grand encore. En fait, Dieu l’aide à découvrir son vrai désir. Quand Dieu entre dans un cœur, c’est pour lui révéler une plénitude qu’il ne soupçonne pas.

Ignace n’a donc pas commencé par être « Saint Ignace » : Il a commencé par être lui- même. Dieu se manifeste au cœur de l’homme comme un « magis », comme un « toujours plus », qui creuse encore et encore en lui la force de son désir.

Qu’est-ce que cela signifie pour moi ?

Quelle place est-ce que je laisse à mon désir ? Le mien, pas celui d’un autre, ou d’autres au pluriel, d’un parent, d’un ami... Le mien ?

 

En pratique, dans la prière

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  • J’arrive comme je suis, mais entier : avec un corps ou un esprit fatigué, avec le poids de mes inquiétudes, de mes doutes, de mes souffrances...

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  • Je prends le temps de me détendre, de trouver la position qui me convient : toutes les techniques sont bonnes, du moment que cela me permet d’être dans le présent : yoga, sophrologie, pleine conscience ...

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  • Et puis je donne aussi cette opportunité de se poser à mon affectivité, à mes émotions, mes sentiments... J’exprime à Dieu ce qui m’encombre, les désirs qui m’habitent. Dieu ne peut rejoindre que la personne que je suis ici, en ce moment-ci.

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« Que voudriez-vous que je fasse pour vous ?
De siéger l’un à ta droite, et l’autre à ta gauche dans la gloire... » (Marc 10,35)

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         La prière, pour être vraie, avoir du goût, doit prendre en compte nos failles, nos imperfections et nos balbutiements.

         « Je ne  suis pas venu pour les bien-portants, mais pour les malades et les pécheurs... » La prière est le lieu où nous pouvons

         nous confier, tout dire, nous montrer tels que nous sommes car nous avons l'intime conviction de ne jamais être jugé.

 

  • J’exprimer mon désir, et déjà je perçois que cela m’aide à le clarifier

Car souvent, en l' exprimant, je me rends compte qu'il cache un désir plus profond, plus essentiel. Au début de mon temps de prière je suis inquiet pour un de mes enfants, dont la scolarité est chaotique : je désire ardemment qu’il réussisse ses études. Mais le désir sous-jacent est mon désir de le voir pleinement heureux, épanoui. Si je vais plus loin encore, je peux entendre que Dieu a ce même désir pour lui, et donc comprendre que mon désir s’unit au sien pour l’aider, dans la discrétion à trouver son chemin... Un travail de tri dans mes désirs s’effectue, presqu’ à mon insu.

Mais parfois, ce tri, cette purification ne se fait pas tout de suite : elle se fait au cours de la prière, de la journée, de la semaine... Peu importe, l’important, c’est qu’elle se fait. Je grandis ainsi dans la confiance que mon désir profond et celui de Dieu se rejoignent.

Mais peut-être que, tout au fond de moi, je crois encore qu’ils sont, même un tout petit peu, en concurrence ? Alors j’aurai peur du désir de Dieu, de ce qu’il risque de me demander. J’ai à entrer dans cet acte de foi – qui sera peu à peu nourri par ma familiarité avec Dieu, par ma prière, que Dieu souhaite pour moi un chemin de vie, et non de souffrance.

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Alors chercher en moi la grâce à demander au début de ma journée, ou au début de ma prière,

c’est en fait laisser monter en moi, par des mots, ou peut-être par des silences,

ce désir qui m’habite, dans la foi que Dieu agit, uni mystérieusement à mon désir profond.

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